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Les systèmes de mesure automatique de la stabilité



La gestion de la stabilité est une tache lourde pour les états major des navires. Souvent cette tache n’est pas assurée, soit que les marins font entièrement confiance au concepteur du navire sensé avoir rendu impossible un chargement dangereux, soit par manque de temps et de données suffisante sur le chargement, comme c’est le cas sur les ferries effectuant des rotations très rapides, soit par manque de compétence ou absence des documents nécessaires, sur les petites unités, à la pêche en particulier.

 

Cette situation se trouve aggravée dans les situations d’avarie pour lesquelles les calculs sont encore plus complexes et les données plus imprécises. C’est en particulier le cas pour les navires de combat dont la situation peut évoluer très rapidement.

 

 

 

La gestion classique de la stabilité :

 

Évaluer la stabilité d’un navire dans une situation donnée, c’est en fait connaître la courbe de stabilité dans cette situation (voir La stabilité des navires), et pour accéder à cette courbe, il faut :


- Connaître la hauteur du centre de gravité.
- Apprécier les tirants d’eau et la gîte
- Posséder les documents hydrostatiques du navire
- Savoir, et avoir le temps de les utiliser.

Beaucoup de progrès ont été réalisés par l’utilisation de calculateurs de chargement qui permettent de satisfaire facilement aux deux dernières conditions, au moins à l’état intact. Tous les systèmes ne permettent pas d’aborder les situations d’avarie, et si cela est le cas, leur utilisation n’est pas évidente, surtout dans l’évaluation de l’avarie.

L’appréciation des tirants d’eau et de la gîte ne pose pas de difficulté particulière au port, avant le départ, donc pour le calcul à l’état intact. A la mer, après avarie, l’évaluation de ces paramètre est plus aléatoire, ce qui ajouté à la difficulté d’une appréciation exacte de l’avarie, rendra le résultat du calcul assez grossier.

Le point essentiel reste l’évaluation de la hauteur du centre de gravité général du navire.
Cette évaluation passe par la connaissance du poids et de la hauteur du centre de gravité du navire lège et de tous les poids embarqués à bord. Ceci est obtenu par la gestion comptable des poids, ce que les anglais appellent le book-keeping.
Notons que le navire lège est l’élément de poids le plus important, d’où l’importance de la précision de l’expérience de stabilité.

On peut évaluer à 2% la précision sur le poids du navire (la réglementation exige une nouvelle expérience de stabilité lorsque le déplacement lège à été modifié de plus de 2%). La hauteur du centre de gravité issue de l’expérience de stabilité est aussi connue au mieux à 2% prés si l’expérience a été effectuée avec des moyens classiques (voir l’expérience de stabilité), ce qui donne une imprécision de 4% pour la contribution du navire lège.


La méconnaissance fine des éléments du chargement, poids et centres de gravité, la mauvaise connaissance de l’état des capacités, des carènes liquides, les oublis et les chargements inconnus amènent au mieux à une précision de l’ordre de 5% sur la hauteur du centre de gravité KG.


                       GM est déterminé par            GM  =  KM  –  KG

 
Même si l’erreur sur KM peut être négligée, comme KM et KG ont des valeurs de 3 à 10 fois plus importantes que celle de GM, l’erreur sur GM peut largement dépasser 15%, surtout pour les faibles valeurs de GM donc pour les cas de stabilité les plus critiques.

En conclusion, la méthode classique même à l’aide d’un calculateur est laborieuse (il faut tout de même saisir le chargement), sujette à oublis et erreurs, à cause de la grande quantité de valeurs à manipuler, et d’une précision grossière, souvent masquée par la précision trompeuse affichée par les calculateurs de chargement.

 

 

 

Les systèmes de saisie et de calcul automatique

 

Le point faible des calculateurs de chargement est l’obligation de saisir la description du chargement. Outre son caractère fastidieux, cette opération est source d’oublis et d’erreurs.

Pour pallier à ces inconvénients, sur les navires, comme les navires militaires ou les transports de cargaison liquide, pour lesquels l’essentiel des poids variables sont le contenu des capacités, les saisies ont été automatisées à l’aide d’un réseau de capteurs de niveau. Les capteurs sont interrogés par un calculateur central qui compile ces informations et en déduit la valeur de KG. Le calcul de stabilité se poursuit ensuite de façon habituel avec la prise en compte des tirants d’eau dont la mesure est elle aussi automatisée.

Ces systèmes entièrement automatiques rencontrent un certain succès auprès des militaires ou des armateurs de croisières, pour lesquels les seuls poids variables sont effectivement les capacités.
Pour la gestion de la stabilité à l’état intact, le problème essentiel est la fiabilité des capteurs sur laquelle repose la fiabilité du système entier.
Pour la gestion des avaries, cette fiabilité des capteurs se double de la fiabilité des liaisons, surtout pour les militaires. Ceux-ci ont résolu plus ou moins le problème par redondance des capteurs et des liaisons, mais on arrive très vite à des systèmes très complexes et très onéreux.
De plus il est difficile d’instrumenter tous les compartiments susceptibles d’être envahis et des phénomènes tels que les carènes liquides par mise en communication de compartiment, de communication avec la mer ou de surcharge dans les hauts par de l’eau de lutte contre l’incendie ou le rassemblement des passagers, ne sont pas pris en compte.

 

 

 

Les expériences de stabilité automatisées :

 

L’expérience de stabilité est le moyen le plus immédiat pour accéder par la mesure à la stabilité.
Les navires équipés de citernes actives de stabilisation de roulis possèdent presque tous les équipements permettant d’effectuer automatiquement des expériences de stabilité :
Un appareillage de mesure des inclinaisons, un automate commandant un système de pompage. Il suffit d’ajouter le moyen de mesurer les volumes transférés : pompe volumétrique, débitmètre de précision ou jaugeage fin dans les citernes. On peut ainsi en quelques minutes, avant de quitter le port, par au moins deux inclinaisons, et la mesure des tirants d’eau, mesurer le GM du navire.

La difficulté est la mesure avec assez de précision du moment inclinant, ce qui nécessite la mesure des volumes déplacés, de la masse spécifique de l’eau utilisée, de la position du centre de gravité de l’eau dans les citernes.
De plus la mesure avec suffisamment de précision des angles d’inclinaison nécessite des inclinaisons d’au moins 2° (au plus 4°) et un mouvement de roulis du navire suffisamment faible pour obtenir par filtrage un résultat stable. Les mêmes précautions que pour l’expérience de stabilité classique sont à observer : amarrage ne bridant pas les inclinaisons, carènes liquides et mouvement libre de lest liquide limités, conditions extérieures favorables…

 

A ces sources d’imprécision, il convient d’ajouter l’imprécision sur la mesure de déplacement du navire, obtenue par la saisie automatique ou manuelle des tirants d’eau et de la densité de l’eau de mer. En effet l’expérience de stabilité ne permet d’accéder qu’au module de stabilité initiale :

               MSI  =  GM  x  Déplacement  =  Moment inclinant  x  Tang (inclinaison)

L’imprécision sur le déplacement influe donc directement la précision de la mesure de GM.

Ces considérations entraînent que la précision de mesure du GM est comprise entre 5 et 10% suivant la qualité des équipements et les conditions extérieures.
Ce type d’installation est dédié à des mesures au port avant le départ, le chargement étant terminé. Sauf conditions exceptionnelles, les mesures à la mer sont exclues, et à plus forte raison les mesures après avarie.

Il a été évoqué une utilisation particulière de ces installations : la mesure en continue de la stabilité.
Ce type d’utilisation préconise l’exécution continue d’expériences de stabilité à la mer. L’imprécision des mesures résultant des mouvements du navire étant corrigée par un traitement statistique du grand nombre de résultats ainsi obtenus.
Cette méthode, outre la gène qu’elle peut occasionner à l’exploitation du navire, ne permettrait pas d’apporter de bénéfice opérationnel, car pour obtenir un résultat exploitable statistiquement, la mesure continue doit durer plusieurs heures pour ne pas dire plusieurs jours et donc ne peut être exploitée pour la surveillance opérationnelle de la stabilité. En particulier, pour cette raison et aussi parce que la valeur du déplacement a ici aussi une influence directe sur le résultat, la surveillance de la stabilité après avarie est tout à fait exclue.

 

 

 

La mesure de la stabilité par la mesure de la période naturelle de roulis :

 

La résolution A/ES.IV/168 de l’OMI préconise pour les navires d’une longueur inférieure à 70 m, l’évaluation de la stabilité par la mesure de la période naturelle de roulis.
Cette résolution a été adoptée sur les résultats d’une étude menée en collaboration avec la FAO sur les navires de pêche artisanaux.
L’absence de documents, et le manque de qualification des équipages de ces unités, justifiaient une évaluation assez grossière obtenue très rapidement avec des moyens rudimentaires : un simple chronomètre manuel.
La limitation à 70 m était justifiée par le fait que la mesure devant être effectuée en eau calme, il était difficile d’obtenir un roulis d’amplitude suffisante pour une mesure manuelle avec des unités plus importantes. Seules des données statistiques sur des navires de longueur inférieure à 70 m ont été réunies pour servir de base à cette étude.
 

Les possibilités de l’électronique et les méthodes actuelles de traitement du signal, complétées par des études menées sur tous les types de navire, permettent d’automatiser et d’appliquer avec précision cette méthode à tous les navires.

 

Tant que la mesure de la période était réalisée par comptage du temps entre des extremums de mouvement, la précision des mesures à la mer était insuffisante : En effet si la houle atteint un niveau suffisant, le mouvement résultant du navire est la somme de deux mouvements périodiques, houle et roulis naturel, et ce mouvement présente une période apparente instable, différente de la période naturelle de roulis. L’utilisation de l’analyse spectrale a permit de séparer les mouvements pour mesurer finement la période naturelle de roulis. La difficulté réside en l’identification de chacun des mouvements, ce qui est obtenu en reconnaissant leur signature spectrale différente.

 

Pour passer de la période de roulis T à la valeur du GM, la relation fondamentale utilisée est :                                                                                  

                          _______
T  =  2 π  K  /  √ (g GM )

               

K est le rayon de giration de l’inertie dans le mouvement de roulis.
Ce paramètre est introduit dans le calcul comme une fonction du tirant d’eau, ce qui permet de conserver la précision de la mesure pour des chargements variables du navire.
g est l’accélération de la pesanteur.

Les avantages de cette méthode sont :

- L’absence d’installation lourde à bord.
- La rapidité de la mesure qui ne demande que 1 à 2 minutes, effectuée de façon entièrement automatique.
- La possibilité d’effectuer des mesures aussi bien au port qu’en mer, les mouvements mêmes importants du navire à la mer n’étant pas un inconvénient, et le roulis imperceptible à quai étant exploitable.
- L’insensibilité de la mesure à un manque de linéarité, à une dérive ou à un biais du capteur, puisque la précision de la mesure des inclinaisons n’intervient pas dans la précision de la mesure de la période. En conséquence le système n’a pas à être périodiquement étalonné.
- La faible influence de l’évaluation des tirants d’eau dans la précision du résultat, K le rayon de giration de l’inertie de roulis ne variant qu’au second ordre avec le tirant d’eau.
- La bonne adaptation à la mesure et à la surveillance de la stabilité après avarie, une évaluation approximative du tirant d’eau étant suffisante, et les mouvements n’étant pas gênants.

L’évaluation de la méthode par les autorités dans le cadre de l’OMI a établi une précision générale de la mesure du GM de 10%.
Il est à noter que cette précision relative est conservée pour les faibles GM ce qui donne tout son intérêt au système pour surveiller les situations critiques.

 



Le GM et la stabilité :

 

Une objection faite communément à toutes les méthodes de mesure du GM, est le manque de pertinence de la seule connaissance du GM pour apprécier la stabilité, car la stabilité d’un navire dépend avant tout de sa réserve de stabilité (aire sous la courbe de stabilité), et la seule mesure du GM peut donner un résultat trompeur. Ces méthodes seraient donc sans intérêt et voir même dangereuses.

Cette objection ne tient pas si l’on considère que ces méthodes ne mesurent pas seulement le GM mais aussi les tirants d’eau du navire (ou au moins exigent que l’opérateur le fasse) et la gîte permanente..
Il est aisé de constater (Voir La stabilité des navires) qu’à un ensemble de valeurs : GM, Tirant d’eau moyen, Assiette, on peut faire correspondre une courbe de stabilité parfaitement définie pour laquelle il est possible, en tenant compte de la gîte permanente mesurée par le système, de calculer la réserve de stabilité et vérifier les critères réglementaires. Ces méthodes lorsqu’elles sont ainsi complétées par la construction de la courbe de stabilité et la vérification des critères de stabilité à l’aide de cette courbe, ne donnent donc pas des résultats moins complets que la méthode classique et leur précision est au moins aussi bonne.
Ainsi les systèmes de mesure de la stabilité par mesure d’inclinaison ou mesure de période de roulis ne fourniront pas seulement la valeur de GM, mais seront capables d’effectuer l’analyse complète de la stabilité, et pour les plus efficaces, non seulement à l’état intact, mais aussi après avarie.

 

 

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